Le volet urbanisme et aménagement de la Loi Climat et Résilience
La genèse
La loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi climat et résilience, s’inscrit dans la lignée d’un certain nombre de dispositifs et de groupes de travail mis en place depuis plusieurs années. Le plan biodiversité de juillet 2018 a notamment introduit le principe de Zéro Artificialisation Nette (ZAN). Ainsi, l’action 10 de ce dispositif consistait à « [définir], en concertation avec les parties prenantes, l’horizon temporel à définir pour atteindre l’objectif ZAN et la trajectoire pour y parvenir progressivement. » Par la suite, la Convention Citoyenne pour le Climat s’est tenue entre octobre 2019 et juin 2020, afin de proposer des mesures permettant de réduire d’au moins 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 dans une logique de justice sociale.
La loi climat et résilience, promulguée le 22 août 2021, assure la traduction législative des travaux de cette convention. Elle comporte 305 articles et couvre de nombreux aspects de la vie quotidienne : les modes de consommation et d’alimentation, les modes de production et de travail, les déplacements, le logement et l’artificialisation des sols. Cette loi introduit également un nouveau délit d’écocide.
La loi et le concept d’artificialisation
La loi introduit le concept d’artificialisation et le ZAN dans le code de l’urbanisme, qui évoquait jusqu’alors seulement la lutte contre la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF). L’article L.101-2 est ainsi modifié en ajoutant dans la liste des objectifs à atteindre pour l’action des collectivités publiques en matière d’urbanisme le point 6°bis « la lutte contre l’artificialisation des sols, avec un objectif d’absence d’artificialisation nette à terme. »
La création d’un nouvel article, le L.101-2-1, permet également de rappeler les déterminants de l’atteinte du ZAN dans les principes généraux du code de l’urbanisme, avec notamment la prise en compte de la qualité urbaine, la préservation de la nature en ville et la renaturation des sols artificialisés.
La loi pose les bases d’une définition du concept d’artificialisation, en référence à l’atteinte aux fonctionnalités des sols, et non plus seulement en référence à la consommation des ENAF. L’article 192 précise ainsi que :
- « L’artificialisation est définie comme l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage.»
- « La renaturation d’un sol, ou désartificialisation, consiste en des actions ou des opérations de restauration ou d’amélioration de la fonctionnalité d’un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé [ ] en un sol non artificialisé.»
Une fois le phénomène d’artificialisation défini, l’article 192 de la loi aborde également la façon de le mesurer. La loi distingue ainsi les surfaces artificialisées, « dont les sols sont soit imperméabilisés en raison du bâti ou d’un revêtement, soit stabilisés et compactés, soit constitués de matériaux composites » d’une part, et les surfaces non artificialisées, « soit naturelle, nue ou couverte d’eau, soit végétalisée, constituant un habitat naturel ou utilisée à usage de cultures » d’autre part.
La loi aborde également le sujet du photovoltaïque au sol au travers de l’article 194, qui précise qu’« un espace naturel ou agricole occupé par une installation de production d’énergie photovoltaïque n’est pas comptabilisé dans la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers dès lors que les modalités de cette installation permettent qu’elle n’affecte pas durablement les fonctions écologiques du sol, en particulier ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques ainsi que son potentiel agronomique et, le cas échéant, que l’installation n’est pas incompatible avec l’exercice d’une activité agricole ou pastorale sur le terrain sur lequel elle est implantée. »
La loi et la trajectoire vers le ZAN
La loi définit une trajectoire vers le ZAN et fixe les échéances. L’article 191 donne un objectif national d’atteinte du ZAN en 2050, avec une première étape de réduction de 50 % de la consommation des ENAF dans les 10 ans suivant la promulgation de la loi. A noter que ces objectifs sont appliqués de manière différenciée et territorialisée, et donc non homogène sur le territoire. L’article 194 précise que le rythme d’artificialisation est traduit par un objectif de réduction de 50% de la consommation d’ENAF par rapport à la consommation effective, c’est-à-dire la consommation réellement observée, au cours des dix années précédentes.
L’article 194 donne également des éléments de calendrier concernant les documents d’urbanisme en suivant le principe de la hiérarchie des normes. L’évolution des SRADDET doit ainsi être engagée pour prendre en compte les objectifs de réduction d’artificialisation dictés par la loi dans un délai d’un an suivant sa promulgation, avec une approbation dans les deux ans, soit d’ici le 22 août 2023. Les SCOT et les PLU doivent également être révisés ou modifiés pour être mis en conformité respectivement d’ici le 22 août 2026 et d’ici le 22 août 2027. La loi prévoit également des sanctions en cas de non-respect de ce calendrier, avec une ouverture à l’urbanisation suspendue pour les SCOT, et une interdiction de permis de construire dans les zones AU pour les PLU.
La loi fixe également des moyens d’évaluation. L’article 206 en particulier, modifie le code général des collectivités territoriales en introduisant un rapport tri annuel des collectivités en matière de lutte contre l’artificialisation.
La loi et l’arsenal législatif en faveur de la sobriété foncière
La loi complète également l’arsenal législatif, avec un certain nombre d’évolutions des SCOT et des PLU en faveur de la sobriété foncière. Elle prévoit ainsi plusieurs mesures concernant le renouvellement urbain parmi lesquelles :
- le conditionnement de l’ouverture à l’urbanisation dans les PLU à une étude de densification du potentiel restant des zones déjà urbanisées (Art. 194) ;
- la possibilité d’inscrire dans les PLU une densité minimale de constructions dans les zones d’aménagement concertées (Art. 208) ;
- l’extension des dérogations aux règles du PLU aux périmètres des grandes opérations d’urbanisme et dans les centres villes des opérations de revitalisation des territoires (Art. 209).
De la même façon, sont également prévues différentes mesures pour promouvoir la nature en ville et le maintien des continuités écologiques, telles que notamment :
- la définition dans les SCOT et PLU de zones préférentielles pour la renaturation (Art. 197) ;
- la définition dans les PLU (OAP), des actions et opérations nécessaires à la mise en valeur des continuités écologiques et à la protection des franges urbaines et rurales (art. 200).
La loi traite également des surfaces commerciales, avec l’article 215 qui organise un principe général d’interdiction des projets commerciaux qui artificialisent les sols. Des dérogations sont cependant possibles pour les projets en continuité des espaces urbanisés, dans un secteur au « type d’urbanisation adéquat » et qui répondent aux besoins du territoire. Ces projets doivent remplir au moins une des conditions suivantes : se trouver en secteur ORT ou QPV, faire partie d’une opération d’aménagement au sein d’un secteur déjà urbanisé, compenser par la transformation d’un sol artificialisé en sol non artificialisé, ou se situer en secteur d’implantation périphérique ou centralité urbaine identifiés au SCOT.
Perspectives
Une centaine de décrets est annoncée pour l’application de la loi climat et résilience. Concernant le volet urbanisme et aménagement, sont notamment attendus un décret sur la définition de l’artificialisation en janvier 2022, un décret concernant les SRADDET en février 2022, un décret sur le rapport local sur l’artificialisation des sols en mars 2022, ainsi qu’un décret sur les installations photovoltaïques.